CONSENSUS DE COPENHAGUE : les résultats

Le but du projet du Consensus de Copenhague était de définir des priorités parmi une série de propositions pour affronter dix grands défis globaux. Ces défis, sélectionnés parmi un ensemble plus vaste de thèmes identifiés par les Nations Unies, sont : les guerres civiles ; le changement climatique ; les maladies infectieuses ; l’éducation ; la stabilité financière ; la gouvernance ; la faim et la malnutrition ; les migrations ; la réforme du commerce ; et l’eau et l’assainissement.

Un jury d’experts en économie, comprenant huit des plus éminents économistes du monde, fut invité à examiner ces sujets. Les membres étaient Jagdish Bhagwati de l’université de Columbia, Robert Fogel (prix Nobel) de l’université de Chicago, Bruno Frey de l’université de Zurich, Justin Yifu Lin de l’université de Pékin, Douglass North (prix Nobel) de l'université de Washington à Saint Louis, Thomas Schelling de l’université de Maryland, Vernon Smith (prix Nobel) de l’université George Mason, et Nancy Stokey de l’université de Chicago.

On demanda au jury d’examiner les dix domaines de défi et de répondre à la question : « Quelles seraient les meilleures manières d’améliorer le bien-être global, et particulièrement le bien-être des pays en développement, en supposant que 50 milliards de dollars de ressources supplémentaires sont à la disposition des gouvernements ? ». Dix rapports sur ces défis, commandés à des autorités reconnues dans chaque domaine d’action, définissaient plus de 30 propositions soumises à l’appréciation du jury. Pendant une semaine de conférence, le jury examina ces propositions en détail. Chaque rapport fut longuement discuté avec son auteur principal et avec deux autres spécialistes à qui l’on avait commandé des appréciations critiques, puis les experts se sont réunis en session privée. Le jury a ensuite rangé les propositions, par ordre décroissant de préférence, comme suit :

TRÈS BONS PROJETS
1. Maladies :

Lutte contre le HIV / sida
2. Malnutrition :
Distribution de micronutriments
3. Subventions et barrières commerciales :
Libéralisation du commerce
4. Maladies :
Lutte contre le paludisme

BONS PROJETS
5. Malnutrition :

Développement de nouvelles technologies agricoles
6. Eau et assainissement :
Technologie à petite échelle pour l’eau de subsistance
7. Eau et assainissement :
Distribution et assainissement de l’eau gérés par la communauté
8. Eau et assainissement :
Recherche sur le rendement de l’eau dans la production alimentaire
9. Gouvernance et corruption :
Réduction du coût de création d’une nouvelle entreprise

PROJETS MOYENS
10. Migration :

Abaissement des obstacles à la migration des travailleurs qualifiés
11. Malnutrition :
Amélioration de l’alimentation du nourrisson et de l’enfant
12. Malnutrition :
Réduction de la prévalence de l’insuffisance pondérale à la naissance
13. Maladies :
Amélioration des services de santé de base

MAUVAIS PROJETS
14. Migration :

Programmes d’incitation à la migration des travailleurs non qualifiés
15. Climat :
Taxe optimale sur le carbone
16. Climat :
Le protocole de Kyoto
17. Climat :
Taxe probabiliste sur le carbone

Note : Certaines propositions n’ont pas été classées (voir texte ci-dessous)

En classant les propositions, le jury fut guidé principalement par la considération des coûts et avantages économiques. Le jury reconnut les difficultés que l’analyse coûts-avantages doit surmonter, tant en principe qu’en pratique, mais estima que l’approche coûts-avantages était une méthode d’organisation indispensable. En définissant des priorités, le jury prit en compte les forces et faiblesses des différentes appréciations coûts-avantages examinées, et pondéra tant les conditions institutionnelles préalables à la réussite que les exigences éthiques et humanitaires urgentes. En règle générale, le jury nota que de plus hauts standards de gouvernance et des progrès institutionnels nécessaires au soutien du développement des pays pauvres du monde avaient une importance primordiale.

Certaines des propositions (par exemple, l’abaissement des obstacles au commerce ou aux migrations) butent sur une résistance politique. Surmonter une telle résistance peut être considéré comme un « coût » de mise en œuvre. Le jury fut d’avis que de tels coûts politiques devaient être exclus de leurs calculs : ils se préoccupèrent seulement des coûts de mise en œuvre, y compris les coûts des réformes institutionnelles de soutien spécifiques, qui seraient rencontrés une fois prise la décision politique de se lancer.

Pour certaines propositions, le jury trouva que l’information était trop maigre pour permettre de porter un jugement. Ces propositions, dont certaines pourraient être intéressantes après un examen plus approfondi, furent donc exclues du classement.

Chaque expert assigna son propre classement aux propositions. Les classements individuels, de même que les commentaires préparés par chacun des experts, seront publiés ultérieurement. (Les rapports sur les défis et d’autres éléments ont déjà été placés dans le domaine public.) Le classement du jury fut calculé en prenant la médiane des classements individuels. Le jury endosse le classement médian donné ci-dessus comme le reflet des vues sur lesquelles ils se sont accordés.

Le jury assigne la plus haute priorité à de nouvelles mesures de prévention de la contagion du HIV / sida. La dépense assignée à cette fin aurait un retour extraordinairement élevé, en évitant près de 30 millions de nouvelles infections d’ici à 2010. Les coûts sont substantiels, estimés à 27 milliards de dollars. Cependant, ces coûts sont faibles comparés à ce qui pourrait être gagné. En outre, l’échelle et l’urgence du problème – en particulier en Afrique, où le sida menace des sociétés entières d’effondrement – sont extrêmes.

Des politiques destinées à lutter contre la faim et la malnutrition suivent juste derrière. Réduire la prévalence de l’anémie due à la carence en fer par des compléments alimentaires, en particulier, a un taux de retour sur investissement exceptionnellement élevé ; parmi les trois propositions examinées sous ce titre, celle-ci fut classée première à 12 milliards de dollars. Le jury classa une seconde proposition, consistant en l’accroissement des dépenses de recherche sur les nouvelles technologies agricoles adaptées aux pays pauvres, à la cinquième place. D’autres propositions, en faveur de dépenses supplémentaires pour l’alimentation du nourrisson et de l’enfant, et pour la réduction de la prévalence de l’insuffisance pondérale à la naissance, furent classées respectivement onzième et douzième.

Le jury considéra trois propositions principales pour la réforme du commerce mondial : premièrement, la réduction multilatérale et unilatérale des barrières tarifaires et non tarifaires, concomitamment à l’élimination des subventions agricoles ; deuxièmement, l’extension des accords commerciaux régionaux ; troisièmement, l’adoption de la proposition « tout sauf les armes (TSA) » pour la réduction non réciproque des tarifs douaniers des pays riches sur les exportations des pays les moins développés. Dans le cas de la réforme du commerce, les vie ne sont pas directement et immédiatement en jeu. Toutefois, on s’accorda à dire que la première proposition – la liberté des échanges commerciaux – procure des avantages exceptionnellement grands, par rapport à des coûts d’ajustement relativement modestes, tant pour le monde dans son ensemble que pour les pays en développement. Aussi fut-elle classée troisième. (Certains membres du jury arguèrent que puisque cette proposition ne devait impliquer aucune dépense budgétaire, elle devrait être mise en œuvre en tout état de cause, quelles que soient les ressources disponibles pour des dépenses budgétaires supplémentaires.) La proposition d’extension des accords régionaux de libre-échange ne fut pas classée, par manque d’information sur les accords particuliers. La proposition de réduction non réciproque des barrières aux exportations des pays les moins développés ne fut pas classée non plus, certains des membres du jury notant que cette proposition serait préjudiciable à de nombreux pays pauvres exclus de ces arrangements, tout en encourageant les pays participants à investir dans des activités non concurrentielles au niveau international.

De nouvelles mesures de maîtrise et de traitement du paludisme furent conjointement classées en quatrième position. Avec un coût de 13 milliards de dollars, le rapport entre coûts et bénéfices était quelque peu inférieur à ceux des propositions sur le HIV / sida et sur la faim et la malnutrition, mais encore très élevé par rapport aux standards d’évaluation des projets. Il en est particulièrement ainsi pour la fourniture de moustiquaires traitées chimiquement. Ici encore, l’échelle et l’urgence du problème sont très grands.

Le jury reconnut avec le rapport sur le défi de l’eau et de l’assainissement que le manque d’accès sûr et abordable à ces services pèse lourdement sur plus d’un milliard des personnes les plus pauvres du monde. Près de la moitié des personnes vivant dans les pays en développement souffrent à un instant donné d’une ou plusieurs maladies transmises par l’eau. Trois propositions, notamment la technologie à petite échelle pour l’eau de subsistance, furent considérées comme pouvant être très efficaces par rapport à leur coût, et furent classées sixième, septième et huitième dans le classement du jury.

Les experts examinèrent cinq propositions destinées à améliorer la gouvernance dans les pays en développement. Tout en admettant, comme il a déjà été dit, qu’une meilleure gouvernance est très souvent une condition préalable pour un progrès de quelque sorte qu’il soit, le jury pensa qu’il était inapproprié d’inclure quatre de ces propositions dans son classement. Ceci parce que ces réformes impliquent des coûts de mise en œuvre qui diffèrent grandement selon les circonstances institutionnelles particulières de chaque pays. Les experts pensèrent qu’ils avaient trop peu d’information détaillée pour estimer ces coûts. Le jury exprima cependant son soutien à la proposition de réduire les coûts imposés par l’État pour la création d’entreprises nouvelles, en se fondant sur le fait que cette politique serait non seulement extrêmement bénéfique mais aussi relativement simple à mettre en place. Cette proposition fut placée neuvième dans le classement.

Des politiques de libéralisation des migrations internationales furent considérées comme une façon souhaitable de promouvoir le bien-être global et de donner des chances économiques aux personnes dans les pays en développement. Un abaissement des barrières à la migration des travailleurs qualifiés fut recommandé, et classé dixième. Les programmes d’accueil de travailleurs, du type communément rencontré en Europe, ne furent pas recommandé, à cause de leur tendance à décourager l’assimilation des migrants.

Le jury regarda trois propositions, y compris le protocole de Kyoto, pour agir sur le changement climatique en réduisant les émissions de carbone. Le jury considéra que les trois propositions comportaient des coûts qui excéderaient probablement les avantages. Le jury reconnut que le réchauffement planétaire devait être combattu, mais s’accorda à dire que des approches fondées sur un passage trop abrupt à de plus faibles émissions de carbone sont inutilement chères. Les experts exprimèrent un intérêt pour une autre solution, proposée dans l’un des contre-rapports, qui envisageait une taxe sur le carbone bien plus basse pendant les premières années d’application que les chiffres suggérés dans le rapport sur ce défi, avec une augmentation progressive les années ultérieures. Cependant une telle proposition ne fut pas examinée en détail dans les présentations faites au jury, et ne fut donc pas classée. Le jury préconisa un financement accru de la recherche sur les technologies de réduction des émissions de dioxyde de carbone.

Le jury examina des propositions pour améliorer l’offre d’éducation dans les pays en développement. Il admit que dans les pays où les dépenses d’éducation sont actuellement très basses, il existe un potentiel d’importants bénéfices pour des dépenses modestement accrues. Toutefois, les conditions institutionnelles préalables de succès sont exigeantes et varient d’un cas à l’autre. L’expérience suggère qu’il est aisé de gaspiller de grandes sommes sur des initiatives éducatives. Étant donné cette variété de circonstances et de contraintes, le jury choisit de ne classer aucune des propositions dans ce domaine. Toutefois, les experts ont souscrit à la vue que des examens avec une supervision externe améliorent la responsabilité des écoles et devraient être promus. Ils exprimèrent aussi un intérêt pour des plans destinés à réduire, de manière ciblée, les frais facturés pour l’éducation publique dans de nombreux pays en développement, et à payer des bourses aux familles qui envoient leurs enfants à l’école. Davantage de recherche sur des expériences suivant de tels plans est nécessaire.

En considérant une série de propositions pour réduire l’impact des guerres civiles, le jury approuva à l’unanimité l’évaluation, figurant dans le rapport sur ce défi, selon laquelle les coûts humains et économiques de tels conflits sont énormes – plus grands, en fait, qu’il n’est généralement admis. Des mesures destinées à réduire le nombre, la durée et la gravité des guerres civiles figureraient très haut dans le classement, si l’on pouvait placer un minimum de confiance dans leur efficacité. Les membres du jury ne furent pas persuadés que les propositions qui leur avaient été présentées satisfaisaient à cette condition. Le jury remarqua les arguments solides prima facie en faveur d’un soutien financier supplémentaire aux forces régionales de maintien de la paix dans les pays sortant d’un conflit qui répondent à certains critères, mais considérèrent que l’information qui leur était fournie était insuffisante pour leur permettre d’assigner un classement. Les experts notèrent aussi les preuves que la croissance des revenus diminue l’impact à long terme de la guerre civile ; dans la mesure où les mesures les mieux classées augmentent les revenus, elles auront l’avantage supplémentaire de réduire l’impact des conflits.

Quatre propositions présentées au jury abordaient le problème de la stabilité financière internationale. Le jury, notant la complexité et les incertitudes dans ce domaine, choisit de ne pas décider laquelle de ces propositions recommander, si tant est que l’une d’entre elles devait être recommandée. Celles-ci ne furent donc pas classées.

Site de référence : Consensus de Copenhague

Traduction : © Marc Baronnet, Nancy, 2004-08-10.


Consensus de Copenhague - PIB français - Libertas - Crédits - Webmestre

À la uneÀ la une