Vérification par le Parlement de Paris des lettres de 1558
8 JUILLET 1558.
VÉRIFICATION PAR LE PARLEMENT DE PARIS DES LETTRES PATENTES DU MOIS DE JUIN EN FAVEUR DES ÉCOSSAIS.
(Bibliothèque impériale. - Coll. Dupuy, t. CXXXII. -
Copie du temps.)
(Voir aussi : Lettres
patentes vérifiées)
Du vendredy viije jour de juillet M. Ve LVIII.
Ce jour, les gens du Roy par Me Baptiste du Mesnil advocat dudit
Seigneur ont dict : qu'ilz avoient veu par ordonnance de la Cour les
lettres patentes dudict Seigneur données à
Villiers-Costeretz au moys de juing dernier passé, par
lesquelles ledit Seigneur déclaire, veult et statue que les
Escossois puissent tenir offices et bénéfices en ce
royaulme, y puissent acquérir biens, disposer d'iceulx et les
transmettre à leur postérité, ainsy que s'ils
estoient originaires, nez natifs et habitans perpétuels de ce
royaulme, sans pour ce obtenir lettres de naturalité, payer
finance ny estre subjectz à aultre particulière dispense.
Ces lettres sont pleines de tesmoignages de la grandeur de ceste
monarchie de France a qua jus civium postulatur, sicut antiquitus a
populo Romano jura Quiritum, jus Latii veteris, jus Latinitatis, jus
Italicum, jus civitatis peti solebat et magni beneficii loco concedi.
De ce furent du commencement fort espargnans les anciens Romains,
tellement que non nisi authoritate senatus et rogatione populi tale jus
donabatur, etc…
Et bien qu'ils eussent grand respect aux Gaulles, si est-ce que ce
droict leur a esté plusieurs foys dényé, puys
donné, puys retranché, jusques à ce que Claudius
Imperator les y confirma habita super hoc ornatissima oratione que
récite Cornelius Tacitus libro suo XI°. Ce mesme Claudius le
fist octroyer Britannis quo nomine qui Scotiam Hiberniam [que] incolunt
comprehendi possunt. Enfin fut faicte la constitution de divus
Anthoninus que nous trouvons récitée per Paulum
jurisconsultum, sub titulo De statu hominum, ut in orbe Romano qui
essent cives discernerentur.
Vray est que ce droict simplement concédé n'avoit pas
tousjours semblable effect, ainsi servoit ou à tiltre d'honneur
simplement, ou immunité de surcharges ou aultres semblables
priviléges commungs : ceterum jus suffragiorum ferendorum, jus
quoque honorum Romæ gerendorum non facile concessum censebatur
nisi specialiter exprimeretur. De ce furent plus espergnans les anciens
peuples Grecz, en la constitution de leur empire ; car Solon, chez les
Athéniens, ne voulut oncques jus civitatis alicui peregrino
concedi. Lacedemonii vero Licurgii legibus novos incolas et peregrinam
stirpem non admisere, imo neque eos peregrinantes quolibet tempore
admittebant, etc…
Toutesfoys ils en ont esté fort blasmés par les
historiens, et de là dict l'on estre provenu que leur empire
à moings duré que pas ung des aultres. Ce que saigement
considérans les roys de France, pour perpétuer leur
domination, laquelle compte desjà plus d'ans que l'Empire
Romain, ont mieulx aymé la rigueur des anciens Grecs et suyvre
la doulceur et bénignité des Romains, de façon que
avecques toutes personnes nous avons entretenu et
célébré jura commercii, jura hospitii, jura
fœderis, et n'ont vulgairement dényé les roys de France
à leurs voisins, quand ilz les en ont requis, faculté
d'habiter en leur royaulme et d'y acquérir en payant quelque
finance, cum hactenus limitatione : quamdiu ipsi et eorum heredes
regnicolæ essent.
Mais au cas qui s'offre l'occasion d'en dispenser les Escossois, et
conséquement passer et vérifier simplement les lettres
dont est question, à eux octroyez par le Roy, semble estre
fondée en double raison et considéracion chascune
à part soy plus que raisonnable et suffisante soubs correction.
La première est l'ancienne confédération des
Escossoys avec les François, qui a esté entre eux
tellement gardée et observée ut semper eosdem et communes
hostes atque amicos habuerint ; ce que l'on pourroit
répéter de plus de cinq cens ans par actes solempnels
portez par les cronicques, jusques à venir en personne leur roy
au camp du roy de France pour le secourir contre son ennemy : ce que
nous trouvons estre advenu du temps de Philippes de Valois, duquel le
Roy à présent régnant descend en droicte ligne, au
camp duquel estoit en personne, avecques ses troupes, David, roy
d'Escosse, au jour de la bataille de Cressy.
Et depuis a tousjours duré ceste confédération,
sans aucune dissimulation, note ou suspicion contraire ; ce qui est
tellement considérable que, si nous suivions la disposition du
droict des Romains, il ne seroit besoing aux Escossoys des lettres par
eux de présent obtenues : quia jure communi salis tuti essent -
Extat enim elegans jurisconsulti Proculi aut Proculeii responsum in L.
Non dubito ff De captivis et postlim. reversis, lequel, en sa vraye
lecture, restituée par les modernes interprètes, porte
ces motz : Non dubito quin fœderati nobis, extranei non sint, nec inter
nos et illos postliminium esse, etc.
L'autre et seconde considération est par l'alliance de ces deux
royaumes faicte, confirmée et stabiliée par le mariage et
union de leur Royne avecques la personne de l'aisné fils du Roy,
à présent faict par ce moyen roy d'Escosse, tellement
qu'elle pourroit à bon droict dire au Roy son espoux ce que
disoit Juno apud Virgilium :
Communem hunc ergo populum paribusque regamus
Auspiciis ; liceat Phrygio servire marito,
Dotalesque tuæ Tyrios permittere dextræ.
(ÆNEIDOS, lib. IV, v. 102.)
Pour ces raisons consentent la vérification et registre desdites
lettres, à la charge toutefoys que eadem nobis apud illos
liceant, et ayent les subjetz du Roy pareil droict et privilége
ès terres, pays et seigneuries du royaulme et obéissance
d'Escosse.
Voir aussi : Lettres patentes vérifiées
Source :
Alexandre TEULET - Archiviste aux Archives de l'Empire,
RELATIONS POLITIQUES DE LA FRANCE ET DE L'ESPAGNE AVEC L'ÉCOSSE
AU XVIe SIÈCLE - Papiers d'État, pièces et
documents inédits ou peu connus tirés des
bibliothèques et des archives de France,
Nouvelle édition, Tome premier - Correspondances
françaises 1515-1560 (François Ier, Henri II - Jacques V,
Marie Stuart),
Veuve Jules Renouard éditeur - Libraire de la
Société de l'histoire de France - 6 rue de Tournon -
Paris,
Imprimerie G. Gounouilhou - 11 rue Guiraude - Bordeaux,
1862.
Transcription : © MB,
Nancy, 22 décembre 1999.
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